No 48 – Littérature XI «Ecrire ici»

Description

Ici, ou en ce lieu-ci… Selon Litrré, il se dit du « lieu même où la personne parle, en y comprenant une certaine étendue qui varie ». En proposant le thème Écrire ici aux membres de la Société des écrivains neuchâtelois et jurassiens (Berne et Jura), nous savions que c’était ouvrir l’espace à des variations infinies sur la perception du « ici ». Nous avons été comblés dans notre espoir que le lieu de l’écriture serait décliné sur des modes et des tons différents: chaque texte de cette revue témoigne, en effet, d’une expérience unique de cet « être-là » si particulier que constitue le fait d’écrire.

Il est bien sûr possible de reconnaître des parentés entre les différentes relations au « ici ». Tout naturellement, ce dernier représente d’abord un espace extérieur, paysage familier ou exotique. Il est souvent lié au possible de l’écriture et fonctionne comme un déclencheur ou comme un levain. Tout au contraire, il peut avoir un rôle quasi castrateur, quand il bloque la possibilité d’écrire, obligeant au départ vers l’ailleurs.

Pour certains, le « ici » a valeur de métaphore d’un lieu social, partenaire plus ou moins réceptif ou plus ou moins sourd à l’écrivain et à son texte. Cette dernière acception dépasse alors le simple lieu de l’écriture pour désigner l’environnement chargé d’accueillir celui ou celle qui a choisi cette forme d’expression. Il est fait clairement référence à l’indifférence voire à l’opposition de cet environnement. Phénomène dont on peut cependant douter qu’il relève d’un particularisme local…

« Ici », c’est aussi un lieu intérieur, lieu du désir, de la nécessité d’écrire, lieu indécis de la relation à l’autre. Il se charge encore d’une valeur temporelle quand, par la succession d’expériences fondatrices, il est constitutif d’un lieu d’où il est possible de parler, à travers une mémoire en constante transformation.

Opposer extérieur à intérieur n’est pourtant pas très pertinent: ce dont il est en fait question, c’est la relation à un « ici » qui permet à l’écriture de se produire, d’avoir lieu. C’est ce qui apparaît au gré de ces pages: « ici » comme espace-temps aléatoire, source de l’événement fondateur du texte.

Il est impossible aussi, – et c’est heureux -, de dégager une forme spécifique qui renverrait à une littérature « régionale ». Pas de déterminisme, pas de rapport forcé entre un lieu et un type d’écriture. Ces textes ne permettent pas d’identifier une littérature romande en tant que telle, sinon par le fait qu’ils émanent d’auteurs ayant tous publié « ici».

Les auteurs des textes qui suivent ont choisi de mettre le thème en scène à travers des approches différentes: la fiction, le récit où le «je » est assumé, la délibération ou la discussion. C’est autour de ces postures d’écriture, résultantes à chaque fois d’expériences particulières, que nous avons choisi d’articuler ce recueil et que nous le proposons au plaisir de votre lecture.