Par Jean-Luc Marchand

« Court n’est pas un village, c’est une gigantesque usine ! », pouvait-on dire dans les années 1970. En 1975, il y avait, dans ce village du Jura bernois, quelque 35 entreprises actives dans le décolletage et dans la fabrication d’outillage. Plus de 1000 décolleteuses tournaient dans ces usines, occupant près de 500 personnes dans une commune comptant alors 1400 habitants.

Le présent ouvrage retrace l’histoire des pionniers de cette industrie commencée dès la seconde moitié du XIXesiècle. Il suit les fortunes diverses d’entreprises centenaires dont certaines sont administrées aujourd’hui par les arrière-petits-enfants de leurs fondateurs. Il s’interroge aussi sur l’avenir de cette économie circulaire locale face aux exigences sans cesse renouvelées d’un marché mondial globalisé.

Jean-Luc Marchand a été directeur d’une entreprise de décolletage. Il offre ici un regard personnel sur un sujet qu’il connaît de l’intérieur. Il a documenté son propos par de nombreux entretiens avec les acteurs passés et actuels de l’industrie courtisane. Mémoires d’Ici, en donnant accès à plusieurs fonds iconographiques, a permis de rendre attractif un ouvrage qui, de prime abord, pourrait paraître un peu rébarbatif. Il n’en est rien.

À découvrir également, le magnifique portfolio du photographe Aldo Crea qui a su, avec un grand talent, surprendre en plein travail ces hommes et ces femmes dans leur environnement.

L’auteur ne parle pas tant de goupilles, de vis, de pignons ou autres pièces de précisions, que de cette aventure humaine étroitement liée à celle de l’horlogerie façonnée par les crises politiques, économiques, technologiques et marquée son lot d’espoirs, de désespoirs, de redémarrages et d’innovations. Ce parcours historique nous rappelle qu’une petite agglomération comme Court dépend elle aussi de la marche du monde.

Par de nombreuses anecdotes, on découvre également comment l’installation de décolleteuses et de petits ateliers a façonné l’architecture courtisane : atelier au rez-de- chaussée avec de grandes rangées de fenêtres pour faire entrer la lumière, bureau et/ou appartement à l’étage. On apprend, par exemple, comment les premières voitures des

« patrons » étaient conduites sans permis, puisqu’il n’y en avait pas à cette époque. Une fois un châssis équipé d’un moteur acheté, il fallait rouler jusqu’à Genève, assis sur un cageot, pour y faire poser une carrosserie construite selon les désirs du client.

Aujourd’hui, Court est plus que jamais un centre de compétences reconnu dans le monde entier, ce qui explique que de grands groupes technologiques viennent s’y installer.

Mémoires d’Ici a participé activement à la réalisation de cet ouvrage.

Le décolletage est un ensemble d’opérations d’usinage qui consiste à fabriquer, à partir de barres de métal, au moyen d’outils coupants (burins), des pièces en petites, moyennes ou grandes séries sur des tours automatiques conventionnels ou à commandes numériques.

Ce numéro s’inscrit d’une part dans la lignée d’ouvrages qu’Intervalles consacre à l’économie régionale tels que les numéros 36 «Horlogerie», 53 «Le verre, tradition régionale», 69-70 «Le meunier, l’horloger et l’électricien», 88 «Fer, fours et ferronnerie» et d’autre part aux ouvrages dédiés aux communes à l’instar des numéros 15 «Bellelay», 17 «Orvin», 20 «Moutier», 21 «La Neuveville», 34 «Renan», 40 «Villeret», 46 «Reconvilier», 49 «Courtelary», 67 «Le Cornet», 74 «Vauffelin-Plagne-Romont», 85 «Le Plateau de Diesse», 89 «Tavannes», 95 «La Ferrière», 102 «Bienne, développement urbain», 104 «Sonceboz- Sombeval», 110 «Cortébert».

Responsable du numéro

Jean-Luc Marchand, +41 79 470 54 84