Le Matin
Bienne se souvient de la grève des casseroles
La grève des casseroles, c’est l’histoire d’un boycott des cours ménagers, un combat mené à Bienne de 1979 à 1982. La revue «Intervalles» consacre son dernier numéro à ce qu’elle appelle «un pas de plus vers l’égalité entre femmes et hommes».
Avec la collaboration de Julien Steiner et Anicée Willemin, Maïté Girardin s’est penchée sur le 25 janvier 1979, une date «qui n’évoque rien de particulier à la plupart d’entre nous». Ce jour-là, une cinquantaine de gymnasiennes et d’apprenties se sont réunies pour s’opposer au cours ménager obligatoire.
«Considérant que ce cours tend à renforcer l’oppression de la femme en la confinant dans son rôle de mère au foyer, des gymnasiennes et apprenties ont fondé un groupe dont le but est l’abolition de l’actuel cours ménager obligatoire», ont-elles indiqué dans un communiqué.
180 heures
La cible des grévistes, c’était un arrêté de 1952 qui rendait obligatoire le cours ménager postscolaire pour toutes les filles du canton âgées de 16 à 20 ans. Cet enseignement durait180 heures. À Bienne, pendant l’année scolaire de 1979-1980, il concernait 115 Suisses alémaniques et 119 Romandes.
Le combat des grévistes a été imité ailleurs en Suisse. Il s’agissait de lutter pour que «filles et garçons soient considérés comme égaux et ayant droit aux mêmes chances au sein du système éducatif». Les boycotteuses ne voulaient pas se laisser enfermer dans un rôle de mère au foyer. Elles refusaient toutes les discriminations.
La «BBC»
Le procès des boycotteuses a trouvé un large écho: «La Tribune de Lausanne», «La Suisse», «France Inter», «L’Express», «Daily Telegraph» et jusqu’à la «BBC»… Par-dessus leur condamnation, les grévistes ont poussé le canton à changer la loi et à introduire un plan d’études prévoyant le même enseignement pour garçons et filles.
Dans le «Plan d’études romand» actuel, l’économie familiale dispensée entre la 9e année et la 11e année Harmos met l’accent sur la nécessité de «connaître son corps, en prendre soin et reconnaître ses besoins nutritionnels et physiologiques», sur «le développement des ressources physiques et motrices» et sur «la préservation de son capital santé par les activités sportives et les pratiques alimentaires». Ces cours sensibilisent les jeunes à «l’économie des ressources et au développement des écogestes».
D’ordre moral
Avant cette avancée, le contenu du cours complémentaire ménager n’était pas qu’une initiation à la tenue d’un ménage: il était parsemé de remarques d’ordre moral rendant la jeune fille attentive à ses futurs devoirs de maîtresse de maison, d’épouse et de mère. «Le but du cours ménager est d’initier la jeune fille à son futur rôle de mère-épouse», ont écrit les boycotteuses dans leur brochure.
Le «Cours d’économie domestique» distillait des conseils à la maîtresse de maison:
– La maîtresse de maison ne doit pas s’attarder à la cuisine, car ses invités sont venus pour la voir et l’entendre.
– Au besoin, la maîtresse de maison anime la conversation en prenant soin d’aborder des sujets qui intéressent ses hôtes.
– Une femme aux proportions harmonieuses pourra suivre la mode selon ses goûts et son genre de vie.
– Une femme maigre portera des robes souples, plissées ou à godets, des cols assez importants, des poches.
– Une femme forte portera des corsages ajustés ou croisés, des manches, des robes plutôt longues et droites.